Myopie et non voyance professionnelle, deux attitudes dangereuses dans un contexte d’emploi
C’est une évidence qu’une carrière professionnelle ne suit pas le cours d’un long fleuve tranquille, même les cadres supérieurs et dirigeants ne sont pas à l’abri de ruptures et si celles-ci se produisent sur le tard – passé 50 ans – le rebond rapide n’est souvent pas facile.
Plutôt que de se lamenter de cet état de fait, l’attitude positive est d’anticiper cette éventuelle, mais prévisible rupture, en étant tout d’abord vigilant.
Les indicateurs sont nombreux : baisse d’activité du secteur économique, émergence de nouvelles technologies, rumeurs… La réaction bien humaine est de ne pas y croire et de penser que cela touchera les autres et pas soi… et pourtant, se montrer réaliste permettra de se placer en bien meilleure position quand le vent soufflera.
Commencer à réfléchir sur son devenir professionnel au cas où les choses ne tourneraient pas à son avantage permettra d’y voir plus clair, un homme averti en vaut deux. La modification d’attitude la plus intéressante est de commencer à penser aussi à soi.
Dans mon engagement pour plébisciter le « Portage Salarial », je retiens des centaines d’entretiens à l’écoute de cadres et de dirigeants en redéploiement, qu’un des ressentis le plus traumatisant chez beaucoup est le suivant : « J’ai toujours été loyal avec l’entreprise, je n’ai pas ménagé mon temps, j’ai même en partie sacrifié mes relations avec mon entourage et ma famille, je n’ai pas vu grandir mes enfants… et je me fais dégager comme un……, c’est absolument. d……..».
Piloter sa carrière nécessite aujourd’hui, en plus d’être compétent, d’être stratège et de mettre en place les comportements requis :
Ne plus voir les collègues comme de gentils amis, mais comme des concurrents potentiels (dans un contexte de plan social, j’ai vu deux collègues se faire les pires crasses possibles pour garder leur poste, alors qu’un d’eux était parrain spirituel du fils de l’autre…).
Ne plus voir dans ses hiérarchiques de gentils chefs bienveillants investis dans un management humain de leurs subordonnés (lu : dans des manuels de formation de managers « Votre mission de « Manager » est d’amener vos collaborateurs à être de plus en plus performants et autonomes… »), et dans sa finalité cette directive amène le « Manager » à ne plus avoir d’utilité au sein de l’organisation. Dans ce contexte un manager stratège et clairvoyant, utilise les talents et l’engagement de ses subordonnés pour asseoir sa fonction. De plus en situation de crise, il pensera tout d’abord à lui, sans foi ni loi !
Penser que parce que l’on est compétent et que l’on a des résultats, on est à l’abri et que la promotion se fera naturellement… est une attitude un peu naïve ; d’une part parce qu’avoir des résultats et être brillant au sein d’une organisation amène des rancœurs chez des collatéraux et quelquefois de la jalousie chez des hiérarchiques qui ne sont pas impliqués dans vos réussites.
L’expérience montre également que d’autres facteurs moins apparents rentrent en jeu, népotisme, réseaux, alliances de natures diverses… on couche à tous les étages… et des comportements dérangeants au sein de l’organisation. Malheureusement les délits de « Hors de la ligne du parti » et surtout de « Grande Gueule » qui dénoncent avec pertinence les dérives et pratiques dommageables pour l’entreprise seront sanctionnés le moment venu lorsque le doigt du « Dieu Dirigeant » enverra à la trappe les bannis de l’organisation.
C’est surtout un manque de campagne de communication personnelle au sein de la structure qui peut conduire à cette finalité.
Plus on a de savoir-faire et moins on s’investit dans le faire-savoir. D’autres bien moins compétents, voire même redoutablement incompétents, excellent dans l’art de se mettre en avant et de courtiser ceux à même de leur être utiles pour leur avancement.
Ces comportements ne vont pas dans le sens d’une loyauté sans faille vis à vis de l’entreprise, mais force est de constater qu’ils peuvent être très payants pour celui qui les met en pratique.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Quelle est votre analyse ?
Bonjour,
Ce billet très intéressant ne peut que nous faire réagir les uns et les autres car à la cinquantaire, chacun a pu vivre les situations décrites. Pour ma part, je dirais que :
– anticiper les incertitudes et leurs conséquences reste la compétence première d’une carrière professionnelle durable en ayant en tête le fait que “seule l’impermanence est permanente”, ce qui évite la surprise du changement
– toujours assumer ses responsabilités au sein de l’entreprise (valeur = loyauté) car si elle souffre, je suis en péril ; et se souvenir que l’inverse est faux….
– labourer son propre sillon professionnel (valeur = fidélité à soi-même). Cette démarche, qui consiste à s’occuper de soi tout en remplissant ses missions, est dynamisante et sécurisante : développer ses compétences, aller vers ce qu’on maîtrise moins, cultiver son image, tenir à jour son déroulement de carrière, entretenir des contacts, rester à l’affut de postes nous correspondant sont une source de vitalité. Opportunisme ? Peut-être mais sans connotation péjorative. Il est ici question d’agir, au bon moment, de façon adaptée, et dans le respect de valeurs partagées : n’est-ce pas ce que l’entreprise attend de ses cadres ? Ceci peut se résumer par la devise “Ne pas subir”, qui consiste à garder l’initiative
– Woody Allen a brillamment réussi sa carrière professionnelle, se classe-t-il dans la catégorie “méchant” pour autant ?
Ces quelques lignes ne pourraient être rédigées par un professionnel débutant : en effet, les plus jeunes appliquent ces principes sans même y penser…..excepté peut-être pour la loyauté à l’entreprise, et c’est précisément ce qui pourrait la mettre en danger aujourd’hui.